© Patrick Simard
Laïla Mestari | fille-de-foin
Le LOBE a accueilli l’artiste Laïla Mestari pour une résidence régulière du 27 octobre au 20 novembre. Dans ce contexte particulier, l’équipe du LOBE a réfléchi avec l’artiste et la commissaire pour offrir une exposition complète, accessible par toustes dans plusieurs lieux de la ville.
Une partie de cette exposition fragmentée intitulée «fille-de-foin» sera dans la galerie, visible depuis les fenêtres extérieures du LOBE, situé au 114 rue Bossé à Chicoutimi. La seconde partie prend place à la Bibliothèque de Chicoutimi au niveau des fenêtres qui donnent sur la place du citoyen, et vous pourrez voir deux photographies sur le panneau numérique situé au coin Bégin et boulevard de l’Université, proche du Centre Vézina. L’exposition prendra place du 20 novembre au 04 décembre.
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Le LOBE a accueilli l’artiste Laïla Mestari pour une résidence régulière du 27 octobre au 20 novembre. Dans ce contexte particulier, l’équipe du LOBE a réfléchi avec l’artiste et la commissaire pour offrir une exposition complète, accessible par toustes dans plusieurs lieux de la ville.
Une partie de cette exposition fragmentée intitulée «fille-de-foin» sera dans la galerie, visible depuis les fenêtres extérieures du LOBE, situé au 114 rue Bossé à Chicoutimi. La seconde partie prend place à la Bibliothèque de Chicoutimi au niveau des fenêtres qui donnent sur la place du citoyen, et vous pourrez voir deux photographies sur le panneau numérique situé au coin Bégin et boulevard de l’Université, proche du Centre Vézina. L’exposition prendra place du 20 novembre au 04 décembre.
À propos d'une œuvre de passage
Par Julie Andrée T.
Regard sur la résidence de Laïla Mestari
Ce cliché imparfait est tout ce qui reste de cette œuvre. En effet, une semaine plus tard, lors d’une vidéoconférence avec Laïla, alors que je lui faisais part de mon intention d’écrire particulièrement sur cette installation, j’apprenais sa disparition. Incrédule, elle me montra le mur où se trouvait, jadis, l’oeuvre en question.
Il n’y avait plus rien, ou si peu.
Tout avait été démantelé. Le chandail beige avait été déplacé à l’autre bout de la galerie, disposé autrement, avec autres choses. Il ne restait que les fameuses petites gouttes de ruban beige. Au-delà de ma déception momentanée, je me suis interrogée à savoir si l’œuvre avait réellement existé, soulevant du même coup une marée d’autres questions plus graves : qu’est-ce qu’une œuvre ou dit autrement, qu’est-ce qui fait œuvre? Comment est-il possible de déterminer le statut d’un objet en tant qu’œuvre? Faut-il d’abord que l’artiste le revendique? Comment puis-je statuer de son existence si l’artiste elle-même ne l’a pas reconnu ainsi ? Pourtant, à mes yeux, à mon cœur, osons les grands mots, elle a bel et bien existé. Moi, Julie Andrée T. en possède même, une image, un instant figé dans la mémoire de mon iPhone. Malgré sa dissolution spontanée qui n’a laissé pratiquement aucune trace matérielle, l’œuvre-passage existe d’or et déjà dans mes souvenirs.
Mais, elle passe.
Elle glisse du statut d’artefact (ou en devenir), vers celui d’un démantèlement, d’un éclatement quasi total. J’évite volontairement le mot destruction parce qu’il est trop cruel. Dans ce changement d’état, elle se fige pour un instant, un temps indéterminé, mais suffisamment pour que la commissaire, le concierge, le passant, le visiteur inopiné l’observe, la remarque, l’absorbe, l’apprécie pour un moment, puis la décrit le soir à sa tendre moitié avant de s’endormir.
Voilà, peut-être, la naissance de l’œuvre.
Nous pourrions aussi soulever le problème autrement : est-ce que j’ai vu une œuvre? Cet angle d’interrogation marque celle du voir : qu’est-ce que voir? Didi-Huberman suggère de regarder d’un œil mouvant l’œuvre, « entre savoir et voir »[1], permettant dès lors d’entrevoir des éléments fuyants que le l’attention fixe laisserait échapper. Voir, en ce sens, a toujours lieu «…au seuil de quelque chose, toujours dans l’intervalle […] de la chose et de la chose différente. Voir a lieu entre les mailles. »[2] J’aurais donc vu un entre-deux, entre les mailles du processus de création, un intervalle dans l’existence d’un groupe d’objets, réuni pour l’occasion. Dans l’angle mort de l’art peut-être, durant un moment d’inattention de l’artiste, j’aurais vu quelque chose qui lui échappait. Si, « une image bien regardée serait [...] une image ayant su interloquer, puis renouveler notre langage, donc notre pensée »[3], alors je peux affirmer sans gêne que j’ai bien regardé.
Note
Sans l’approbation officielle de l’artiste, par ce texte, je fais exister l’œuvre-passage de Mestari. J’espère qu’elle ne m’en voudra pas de mon intention de vouloir la partager et la faire apprécier à travers mes ekphrasis plus ou moins précises. De la dévoiler ainsi, je fais le souhait de la sortir de son statut de non-existence.
[1] Georges Didi-Huberman, Devant l’image, p. 175.
[2] Georges Didi-Huberman, «Sous le regard des mots», dans Phalènes. Essais sur l’apparition, 2, Paris, Éditions de Minuit, coll. « Paradoxe », 2013, p. 187.
[3] Georges Didi-Huberman, « L’image brûle », dans Phalènes, p. 358.
Le processus de l’artiste en résidence implique souvent un espace de création en mouvement, en évolution, en changement. Cet espace, c’est celui de la galerie qui devient pour un temps, l’atelier de l’artiste et celui d’un lieu plus abstrait de l’imaginaire, de la réflexion et de l’exploration : un véritable laboratoire d’idées, de concepts et d’expériences. Un jour, alors que je rendais visite à Laïla Mestari, artiste en résidence au Lobe, avec mon chapeau de commissaire, j’ai eu un coup de cœur pour une petite installation qu’elle avait disposée sur un mur de la galerie. Selon ses dires, c’était la première intervention qu’elle avait faite en arrivant dans la galerie depuis Montréal. Il y avait trois éléments : un chandail à col roulé beige fait d’un lainage serré, une robe sans manche en coton froissé vieux-rose et un livre disposé sur un chevalet. Un petit détail rendait l’ensemble touchant : une série de bouts de ruban adhésif beige étaient collés sous le chandail de la même couleur, comme des gouttes d’un fluide inconnu. Le vêtement laineux usé, comme un corps mort épinglé au mur à une hauteur difficile d’atteinte, semblait monter vers le haut ou plus subtilement léviter doucement au-dessus du reste.
Le reste c'était moi.
Lors de cette première rencontre avec l’artiste, nous avons échangé sur ses projets en construction et à peine de cette installation qui m’avait, dès mon entrée dans la galerie, touchée, émue, voire même bouleversée silencieusement. Avant mon départ, j’ai pris une photo, sans grand souci technique, comme une trace que je pourrais consulter au besoin au moment d’écrire sur l’exposition. La voici :
BIOGRAPHIE // Laïla Mestari
Née à Casablanca au Maroc, Laïla Mestari vit et travaille à Montréal. Principalement issue du collage, sa pratique artistique est animée par un dialogue continu entre les arts visuels et les arts vivants. Sa recherche auto-ethnographique explore les paradoxes esthétiques et kinesthésiques du sentiment d’appartenance au territoire propre aux diasporas contemporaines. Récipiendaire de plusieurs prix et bourses d’excellence (Conseil des Arts et des Lettres du Québec, Conseil des arts du Canada, Irene F. Whittome Prize in Studio Arts, Prix Ada Lovelace), Mestari est titulaire d’un baccalauréat en beaux-arts de l’Université Concordia (2017) et son travail a notamment été acquis par le Musée national des beaux-arts du Québec. Elle a récemment présenté deux expositions solos au Canada (La Centrale Galerie Powerhouse et VU, 2019), une à Rota en Espagne (Espacio PINEA, 2017) et présentera un projet solo au LOBE (Chicoutimi) à l’automne 2020. Elle a participé à plusieurs projets multidisciplinaires et expositions de groupe présentés à Montréal (SKOL, Dazibao, Monument-National, Arprim, Musée des Maîtres et Artisans du Québec et autres). Le travail récent de Mestari porte une réflexion sur le rôle des canons de la peinture et de la photographie dans la justification de la pensée coloniale. La relation entre la figure humaine et le paysage y est omniprésente. L’idéalisation et l’assujettissement du corps des femmes racisées et du territoire naturel sont questionnés dans un rapport performatif entre le corps de l’artiste, la matière organique ou plastique et l’image imprimée.
Résidence | 27 octobre au 20 novembre 2020
Exposition | 20 novembre au 04 décembre 2020